France 2 vous consacre une soirée spéciale avec un téléfilm sur votre vie, suivi d’un documentaire sur votre carrière. N’est-ce pas indécent de voir la télévision autocélébrer un de ces animateurs ?
Cela me met mal à l’aise. J’ai dit à la direction de la chaîne que je trouvais ça « too much ». C’est la première fois qu’il y a un biopic d’une personne vivante et toujours à l’antenne. Ce qui me rassure, c’est qu’il va y avoir un documentaire sur Patrick Sébastien, un autre sur Laurent Ruquier ! On va me dire, c’est la télé qui se regarde le nombril. Pourtant, ce n’est pas ça qui me gêne le plus. J’ai l’impression d’être le témoin de ma nécrologie, c’est très étrange. Il y a un parfum d’au revoir et merci.
De quelle manière avez-vous participé à ces projets ?
Le documentaire a été tourné au moment où mon livre sur mon enfance est sorti,Mais qu’est-ce qu’on va faire de toi ? (Robert Laffont, 2007). Il a été réalisé par Jean-François Kervéan avec qui je travaille depuis longtemps, mais j’ai uniquement trouvé le titre. Le téléfilm a été produit par Jean Nainchrik, un ami de la famille. Je souhaitais avoir un droit de regard sur le scénario et sur le choix des acteurs. Je voulais que Simon Abkarian prenne le rôle de mon père, car il vient, comme nous, d’une diaspora qui arrive de loin. J’ai passé des heures avec Joëlle Goron, la coscénariste, pour lui raconter la vie à la maison, les rapports entre mes parents, mon père séducteur, l’atmosphère anxiogène, ma mère soumise à son mari et à ses enfants… J’ai demandé très peu de modifications, deux trois choses dans le dialogue. Je ne désirais pas que les scènes de tension entre mes parents prennent trop d’importance.
Vous êtes perçu comme le gentil de la télé. Récemment, on vous a entendu être féroce contre les stars de la télé-réalité. Avec l’âge, avez-vous plus envie de mordre ?
Pas du tout, j’ai toujours été comme ça. « Michel est un tardif qui a commencé tôt ! », comme dit de moi Claude Lelouch. J’étais tétanisé par l’instrument télévisuel et par le « tribunal » que pouvait représenter ma famille. Pendant des années, j’ai rasé les murs, je ne voulais pas me mettre en avant parce que je ne me jugeais pas prêt. Contrairement à toute une génération d’animateurs qui ont été les vedettes de leurs émissions (Jacques Martin, Thierry Ardisson, Laurent Ruquier, Marc-Olivier Fogiel, etc.), grâce à leurs côtés incisifs. Je trouvais la réponse plus importante que la question. Je n’étais pas là pour faire le show. Mais dans la vie, j’ai toujours aimé rire et été adepte de l’autodérision. Et, dans mon entourage, on me demandait pourquoi je n’étais pas comme ça à l’antenne.
Et aujourd’hui ?
Denis Olivennes, quand il a repris la tête d’Europe 1 il y a deux ans, m’a dit qu’il rêvait que je fasse une émission avec des humoristes et que je me laisse aller. C’est ce que je fais depuis. Cela correspond au ton du livre que j’ai fait avec Gilles Verlant sur ces cinquante ans de télévision. La télé-réalité, ce n’est pas ma tasse de thé. La télévision de l’intime, c’est tout ce que j’exècre.
Quel regard portez-vous sur la multiplication des émissions de promotion des artistes à la télévision ?
Ça a toujours existé. Il va falloir sans doute trouver quelque chose d’autre avec vingt-cinq chaînes sur la TNT. Cela dit, les gens ne voient pas toutes ces chaînes.
Y a-t-il encore de la place pour les animateurs à la télévision ?
Les concepts d’émission d’Endemol ou ceux qui sont importés ne permettent pas aux animateurs de faire carrière, car ces « formats » sont tellement importants que le présentateur est interchangeable. Mais il y a de très bons formats : il ne faut pas perdre de vue que « Fort Boyard » ou « Rendez-vous en terre inconnue » s’exportent à travers le monde. La télévision d’enfermement est morte, mais je comprends le succès de « Koh-Lanta » où les gens se surpassent. Dans les années 1960, il y avait « La tête et les jambes ».
Vous avez déclaré que vous ne voudriez pas avoir 20 ans aujourd’hui, ce n’est pas très encourageant pour la nouvelle génération…
Quelqu’un qui débute sur une chaîne de la TNT peut attendre un moment avant de se faire connaître du public. Elles font encore de petites audiences, même si le cumul de toutes prend énormément sur les généralistes.
Sans doute, mais ces dernières voient leurs audiences vieillir…
Mais les jeunes ne regardent plus la télé comme jadis, ils consomment différemment ! Ils sont ailleurs, sur leur tablette, sur les réseaux sociaux, sur leur portable. Ma petite-fille de 17 ans, cela fait des années que je ne l’ai pas vue devant un écran « normal ». Il faut arrêter de courir après les jeunes et essayer d’attraper les modes.
Le service public fait des économies ; avez-vous dû renégocier votre contrat qui vient d’être renouvelé ?
Il n’a pas encore été signé, mais le principe est acquis. De toutes les façons, on nous a déjà demandé, ces cinq dernières années, des réductions qui vont de 10 % à 30 %. Je garde le maximum de moyens pour « Champs-Elysées », car c’est un programme qui nécessite des danseurs, du rythme, de l’élégance, on aura du mal à le faire moins cher.
A 70 ans, qu’est-ce qui vous fait encore continuer ?
C’est la passion. Je n’ai pas encore fait le tour de ce que j’ai envie de faire. Je rêve d’un talk-show quotidien en troisième partie de soirée, dans la même veine de ce que je fais aujourd’hui à la radio. La chaîne m’a demandé de réfléchir à une adaptation télé, mais, à ma grande surprise, les audiences de « Vivement dimanche » n’ont jamais été aussi bonnes. Les plus gros scores que j’ai atteints ces dernières années sont avec des invités qui avaient plus de 80 ans !