« Si j’ai accepté ce film, c’est pour mon père, explique Michel Drucker. Il voulait que je devienne médecin ou avocat, il était très exigeant, mais il avait raison. Il voulait que je porte le maillot jaune. Je ne sais pas si je l’ai eu, mais je pense être dans le peloton de tête. »
Photo Arnold Jerocki
Publié le mercredi 19 décembre 2012 à 12H20
L’animateur est ému de l’adaptation de son livre à succès, ce soir sur France 2
« Si j’ai accepté ce film, c’est pour mon père, explique Michel Drucker. Il voulait que je devienne médecin ou avocat, il était très exigeant, mais il avait raison. Il voulait que je porte le maillot jaune. Je ne sais pas si je l’ai eu, mais je pense être dans le peloton de tête. »
Photo Arnold Jerocki
L’enfance de Michel Drucker est racontée, ce soir sur France 2, dans « Qu’est-ce qu’on va faire de toi ? » Une adaptation du roman du même nom écrit par le journaliste en 2007.
Ce livre aujourd’hui adapté à la télé, ce n’est pas n’importe lequel : c’est l’histoire de votre enfance. Êtes-vous surpris que cette histoire soit portée à l’écran ?
Michel Drucker : Déjà, j’ai été complètement surpris par le succès du livre. 500 000 exemplaires vendus : je suis sidéré ! En plus, je suis très étonné qu’un si grand metteur en scène de télé, Jean-Daniel Verhaeghe, qui a fait des merveilles, s’intéresse à ce livre. Mais j’ai posé deux conditions : je voulais un droit de regard sur le script et sur le choix de l’acteur qui incarnait mon père. Je rêvais de Simon Abkarian, qui est prodigieux.
Comment avez-vous réagi lorsque vous avez découvert les premières images ?
M.D. : Je n’en menais pas large. J’étais très secoué. L’écriture, c’est une chose, mais ça, ça en est une autre. Je ne crois pas que je vais regarder le film mercredi soir (ce soir). Ça serait trop douloureux.
Pourquoi ?
M.D. : À la fin du film, on voit une archive authentique d’un jeune de 22 ans. Cinquante ans plus tard, il est toujours là, à la même heure, à 19 h 50, tous les dimanches. C’est vertigineux et troublant. J’ai l’impression de voir une nécrologie (il rit). Sauf que c’est moi. Il n’y a pas d’autres exemples d’un biopic avec une personne vivante. Claude François et Gainsbourg, eux, ne sont plus là.
Ce film est donc vraiment fidèle à la réalité, à votre enfance ?
M.D. : Tout à fait. Ce petit Michel m’a bouleversé. J’ai du mal à imaginer que c’est moi qui ai vécu tout ça. Un siècle et demi plus tard, je n’arrive pas à intégrer que je suis toujours là. Avec Patrick Sébastien, nous sommes les piliers de la télé. Mais c’est difficile de se le dire car les gens me donnent entre 50 et 60 ans. Ils n’intègrent pas mon âge. Normalement, on est depuis longtemps à la retraite à cet âge-là (70 ans). J’ai toujours dit, pour être à l’opposé de Johnny, que je voulais être l’idole des vieux. Je veux être aimé par les seniors qui n’ont que Foucault, Sébastien et moi.
Lorsque vous revoyez votre enfance, vos difficultés scolaires mais aussi les coups de gueule de votre père qui ne cessait de dire : « Mais que vas-tu devenir ? », avez-vous l’impression d’avoir pris votre revanche ?
M.D. : Ce n’est pas une revanche. Malheureusement, mon père est mort en 1983 et n’a pas connu Champs-Élysées, Stars 90, Tapis Rouge et Vivement Dimanche. Si j’ai accepté ce film, c’est pour lui. Il voulait que je devienne médecin ou avocat, il était très exigeant, mais il avait raison. Il voulait que je porte le maillot jaune. Je ne sais pas si je l’ai eu, mais je pense être dans le peloton de tête. Sans diplôme, j’ai réussi un petit quelque chose dans mon domaine.
Votre père était vraiment dur avec vous ? Vous lui en voulez ?
M.D. : Si je n’ai pas réussi à l’école, c’était peut-être parce qu’il me bloquait, qu’il hurlait tout le temps. Peut-être que je n’ai pas trouvé non plus les bons enseignants. Mais mon père m’a tétanisé. Même lorsque j’ai débuté, il fallait que je l’appelle un quart d’heure après mon émission ou juste après les commentaires des matchs de foot. Jusqu’à ce que je rencontre ma femme, je le faisais. Il continuait de me donner ses bonnes et mauvaises notes. Il ne m’a jamais lâché. Cette émission, c’est pour lui. Je suis sûr qu’il aurait adoré « Vivement Dimanche », surtout lorsque je reçois des politiques et des intellectuels.
« Qu’est-ce que tu vas devenir ? »
C’est l’itinéraire d’un enfant de la télévision. Un gamin paumé à l’école, têtu et incapable d’apprendre ses tables de mathématiques. Face à lui, une mère compatissante et surtout, un père dur, médecin et très respecté dans son village. Il rêve d’excellence alors que son fils, lui, rêve de vélo. Il veut le voir effectuer de grandes études. Michel, 11 ans, lui rétorque : « J’aime pas l’école« . Près de cinquante après ses débuts sur l’ORTF, Drucker s’est pourtant fait un prénom.
Un père intraitable
« Qu’est-ce que tu vas devenir ?« , ne cesse de hurler Abraham Drucker en s’adressant à son deuxième fils. Médecin de campagne, originaire de Roumanie, arrêté et envoyé au camp de Drancy durant la seconde guerre mondiale alors que sa femme était enceinte de Michel, le père du futur journaliste-star du petit écran ne l’a jamais lâché.
Si « Qu’est-ce qu’on va faire de toi ? » résume l’enfance et l’adolescence du présentateur de Vivement Dimanche, ce film réalisé par Jean-Daniel Verhaeghe, serait avant tout, d’après l’intéressé, « une question que beaucoup de parents posent encore aujourd’hui à leurs enfants. Et c’est aussi et toujours une question que beaucoup d’enfants redoutent ».
Un gamin têtu
Son père, qui l’amenait régulièrement avec lui lors de ses tournées médicales, a tout tenté pour lui apprendre ses leçons. En vain. « Je ne veux pas d’un cancre dans la famille« , « Il va falloir que tu te secoues« , « Je veux que tu sois le meilleur« . Obsédé par la réussite, Abraham Drucker, joué par Simon Abkarian, est autoritaire. Mais les échecs scolaires s’accumulent et le jeune Michel s’intéresse davantage aux billes, puis au vélo et aux filles. Désemparé, son père craque.
Une carrière finalement exceptionnelle
Finalement, Michel Drucker a retenu et respecté à la lettre l’un des voeux, l’une des exigences même, de son père : « Je veux que tu sois le meilleur de France. Même si tu es plombier, je veux que tu sois le meilleur plombier« . Alors que l’on voit, dans ce film, l’adolescent quitter le système scolaire après quelques mois désastreux en internat et accumuler les jobs, c’est la révélation.
« Peu importe son milieu, son métier, seule compte la volonté, cette force de caractère inculquée par les parents, assure Jérémie Duvall (Le fils à Jo), qui incarne Drucker. C’est d’abord ça réussir sa vie. Plus qu’une célébrité, Michel est d’abord quelqu’un de bien« . Dans le mythique siège de l’ORTF, rue Cognacq-Jay, Michel Drucker va faire ses débuts télévisés à tout juste 22 ans. Devant sa télé, sa mère pleure de bonheur. Son père râle puis appelle la chaîne en expliquant que son fils n’est absolument pas prêt pour la télé. Après presque cinquante années d’une carrière exceptionnelle, Michel Drucker a certainement réussi à le convaincre.
« Qu’est qu’on va faire de toi ? », ce soir à 2045 sur France 2