Michel Drucker dans les locaux de « La Nouvelle République » à Tours, avant les attentats de Paris, avouant alors qu’il a vécu ceux de janvier (« Charlie Hebdo ») comme une immense déchirure. – (Photo NR)
Rencontre entre quatre yeux avec l’ami et le confident des stars. Michel Drucker raconte sa carrière, ses angoisses, son amour des animaux, son spectacle sur scène.
Michel Drucker était déjà le chouchou de nos grands-mères, il y a un demi-siècle. Il est moins connu de nos enfants, qui ne se disent pas Vivement dimanche pour le voir à la télé. Toutefois, il est toujours là devant les caméras, derrière les micros, inoxydable à l’écran, dans son divan face aux stars. Il est passé récemment par la Touraine avec sur les talons son inséparable chienne Izia, petite corgi roumaine plutôt discrète au moment de l’interview.
« Que va-t-on faire de toi ? »
Michel Drucker est un « fou de boulot, de midi à minuit », avoue-t-il. Personne ne sera surpris. « J’ai commencé si jeune. J’ai toujours été habitué à travailler beaucoup, comme mon père, médecin de campagne ». L’animateur garde dans son cœur une profonde amertume, une blessure : « Entre 8 et 18 ans, j’étais ailleurs, je n’ai rien appris ! Et mon père me répétait : que va-t-on faire de toi ? » Depuis, il essaie de rattraper ces dix années perdues corps et âme : « J’ai mis les bouchées doubles, mais on ne récupère pas dix ans. » Puis, observe notre « Michel » national d’un air détaché, « je fatigue ».
Pour autant, il a toujours « la passion des gens, le goût pour les autres, et la fatigue de la passion n’est pas la même que la fatigue de l’ennui ».
Message reçu, mais il insiste, met les points sur les « i » dans un sourire retenu. On connaît le Michel Drucker aux petits soins pour lui-même, hypocondriaque. Pas question de péter une durite. « J’ai 73 ans, la carte senior, cinq mille heures d’image Ina accumulées depuis 1964. Je dois ménager le moteur ! » Et là, il avoue l’inavouable : « J’ai un VTT à assistance électrique ». Certes, pour monter les cols de Provence, mais tout de même : nous qui l’imaginions dans la force de l’âge jouant les Poupou pour épater les copains !
Amoureux des animaux
Michel Drucker, que ses fans se rassurent, reste malgré tout un beau sportif, sur son vélo et dans l’eau où il multiplie les longueurs. Un obsédé de l’effort et de la sueur. Pédaler, nager, piloter, son triptyque magique. « Je veux vieillir comme Aznavour, faire centenaire. » Il cite d’autres « grands aînés » du même tonneau, les Jean Piat, Annie Cordy, Line Renaud, Hugues Aufray, Jean d’Ormesson, Michel Galabru.
Petite touche plus intime avec Dany Saval, sa femme de toujours : « Nous sommes des vieux mariés. C’est rare dans ce métier ! Et tous les deux, nous sommes des militants de la protection animale. Les animaux ne sont pas des meubles. Chez nous, on n’écrase pas les escargots. Ce matin, en arrivant à Tours, j’étais paniqué car je devais trouver une boite de nourriture pour ma chienne. » Alors, quand une petite souris est retrouvée inanimée au bord de leur piscine, Dany joue au secouriste de la Croix-Rouge. Et comme le massage cardiaque qu’elle pratique sur le rongeur échoue, le couple va enterrer la pauvre petite victime au fond du jardin, dans la dignité, raconte-t-il.
« Je veux mourir en bonne santé »
Michel Drucker revient à la charge sur son bulletin médical : « Je veux mourir en bonne santé ! », lance-t-il. Il est équipé d’un défibrillateur portable et ressemble à une pharmacie ambulante à lui tout seul. « Mes proches et amis me demandent des consultations, des adresses de médecins et j’en ai au moins dix par spécialités, même en gynéco-obstétrique. Je m’occupe des femmes enceintes angoissées ! François Fillon, c’est moi qui l’ai soigné ! Je voulais être médecin de famille, comme mon père. »
Allez, quittons le cabinet et l’officine du docteur Drucker pour la scène. Nostalgique, monsieur-cinq-Coupes-du-monde, élève admiratif de Zitrone et confident de tant de célébrités ? « J’essaie de ne pas l’être. Il faut vivre avec son temps même si les réseaux sociaux m’angoissent autant qu’ils m’intéressent. »
Il regrette ce temps « où l’on s’écrivait des lettres » alors qu’aujourd’hui, un texto suffit. « Et à cause de cela, on ne se voit plus, on ne se parle plus. Dans le train, 90 % des gens sont connectés et ne regardent même plus le ciel. Vertigineux ! Oui, je suis nostalgique de certaines valeurs. » La société « perd sa mémoire, dit-il, et cela me perturbe ».
Plus sombre encore : « La gratitude et la reconnaissance sont des maladies de chien non transmissible à l’homme ! » Et, tant pis, ajoute-t-il, « si on ne retient que mon image de complaisance, de bienveillance, moi, je n’oublie pas ». Le voilà reparti, citant Romy Schneider, Dalida, Poiret, Jean Yanne, Gabin, son panthéon à lui. « Des gens comme cela, il n’y en a plus. »
« Quand j’arrête je gamberge »
Et ces gens-là, comme chantait Brel, il leur fera honneur dans son one-man-show, le premier, peut-être le clou de sa vie : « En une heure et demie, toutefois, c’est difficile de résumer cinquante ans de carrière. » Dans son spectacle, il parlera également de Jacques Martin, « un grand », de Johnny, la gloire indétrônable du music-hall, de Girardot, de Ferrat mais aussi de « Chirac (madame), Giscard, Depardieu, un peu de Mitterrand et un peu de mes parents… »
Sur les planches, il aura un mot pour tous, pour Belmondo et Delon aussi, entre « dérision et autodérision, un spectacle parfois mélancolique, ou drôle, qui surprendra le public ». Le fossé entre peuple et people se creuse-t-il ? « Des gens célèbres ont des pathologies particulières. Ils ne savent même pas ce qui se passe de l’autre côté du périphérique. Moi, j’ai la chance d’avoir des contacts étroits, en province. » A chacun son ego. Les téléspectateurs ? « Ils sont plus exigeants, moins captifs, ont un solide bon sens. » Il imagine la télé de demain, sur tablette, à son poignet, en 3D.
Michel Drucker se verrait bien, une fois retraité de la télé, en comédien, écrivain, peut-être à nouveau à la radio.« Quand j’arrête, je gamberge. Voir le temps qui passe, ce n’est pas réjouissant. » Il évoque ses racines, son père à nouveau « qui n’était pas doué pour le bonheur », et la paternité que lui n’a pas connu : « Mais pas certain que j’aurai été un père calme. »
Quelqu’un rentre dans la pièce. Izia aboie et sonne la fin de l’interview. Au revoir Michel Drucker, et, vivement dimanche !
VIDEO. Entretien avec Michel Drucker par lanouvellerepublique
Repères
Des liens forts avec la Tourraine
▶ Sa vie. Né le 12 septembre 1942 à Vire (Calvados). Son père, Abraham Drucker (natif de Roumanie), sa mère Lola Schafler (native de Vienne, Autriche), arrivés en France en 1925. Deux frères, Jean (l’aîné, patron de chaîne, mort en 2003), et Jacques, professeur de médecine, qui demeure à Tours, et un demi-frère. Marié à Dany Saval en 1973 (qui a eu une fille avec Maurice Jarre, compositeur). Tous deux adoptent une petite Indochinoise en 1975, Yleng.
▶ Carrière en bref. Sports et émissions de variétés ORTF (1964-1975), et TF1-A2 (1975-1990). Sur TF1 (1990-1994) et A2 puis France 2 depuis 1994. Principales émissions télé et radio : Rendez-vous du dimanche, Stars, Champs Élysées, Studio Gabriel, Tenue de soirée, Valise RTL, Vivement dimanche depuis 1998. Sa plus belle rencontre, qui a bouleversé sa vie : avec Claude François.
▶ Ses livres. Une douzaine. Le dernier, « Une année pas comme les autres », Robert Laffont, 310 p, 21,50 €
▶ Son spectacle. Sur scène, avec le one-man-show « Seul avec vous », il raconte ses cinquante ans de carrière. A Tours le 5 février, Grand Théâtre.
▶ En Touraine. « J’ai un lien particulier avec la Touraine, la Loire, sa douceur de vivre, les châteaux. Mon père est arrivé en France, la première fois, en Touraine. J’y ai mon frère, des amis (encore de ce monde ou pas, résidant ou ayant résidé en Indre-et-Loire). Je pense à Carmet, Patrice Leconte, Noah, Leslis Bedos, les Danguillaume. Quand j’y viens en hélicoptère, je me pose sur l’aéroport », raconte-t-il à la NR.