Michel Drucker pose avant son one-man-show à Amiens, le 12 février.© Photo AFP FRANCOIS LO PRESTI

Michel Drucker déroule ses souvenirs sur les planches vendredi à Bordeaux, alors que son contrat avec France 2 vient d’être prolongé. De l’importance de savoir durer… Interview

Presque un tête-à-tête : dans son spectacle « Seul… avec vous », l’ex-gendre idéal est un grand père parfait, qui ouvre la malle aux souvenirs. Un one-man-show nostalgique, scénographié par sa fille Stéfanie Jarre.

Le mois dernier, après des semaines de rumeurs de départ pour TF1, Michel Drucker a finalement signé avec France Télévisions un nouveau contrat de deux ans, pour une nouvelle formule de son rendez-vous dominical : créé en 1998, « Vivement Dimanche » disparaîtra l’après-midi. Mais le talk-show « Vivement Dimanche Prochain », qui réunit chaque semaine plus de 3 millions de téléspectateurs (soit 15 % de parts de marché) se trouve conforté et rallongé de 45 minutes: diffusé de 18 à 20 heures, il occupera entièrement le créneau stratégique appelé « access prime-time ».

« Seul… avec vous »… de quoi s’agit-t-il ?

Michel Drucker. De quelque chose qui n’a jamais été fait, et pour cause : je suis le seul à pouvoir le faire. Car il faut avoir 50 ans de métier pour livrer un récit intime de l’histoire de la télévision.  Dans mon bureau, je garde des milliers de photos noir et blanc. Un jour, je m’y suis plongé et je me suis dit : « J’ai vécu tout ça ? C’est bien moi, là, tirant des câbles en 1964 pendant la conférence de presse de Charles de Gaulle ? » Il me fallait raconter tout ça aux gens.

Ils ne sont pas dépaysés, car mes souvenirs sont les leurs. On feuillette ensemble mon album de famille, je leur montre l’envers du décor. Comme les coulisses de l’émission avec Serge Gainsbourg et Whitney Houston, des moments mémorables avec Romy, Delon, Belmondo ou certains politiques. Léo Ferré chantait « avec le temps, tout s’en va », mais c’est une idée que je n’arrive pas à accepter. Si j’ai toujours tendance à regarder dans le rétroviseur, c’est pour éviter que tout s’oublie, s’évanouisse définitivement.

Mais pourquoi la scène, alors que vous avez déjà raconté tous ça dans vos livres ?

Pour avoir des gens devant moi. Comme s’ils étaient chez moi, ou moi dans leur salon à prendre le café. On appuie sur « pause » et on vérifie si on a bien vécu tout ça ensemble, on est bien…

La scène, j’en rêvais secrètement, mais j’étais envahi par le doute : « le public ne viendra pas, les copains vont me tomber dessus, la presse va écrire “mais qu’est-ce qu’il fait là” ?… » J’ai d’abord montré ce travail à Laurent Ruquier, Fabrice Luchini et Laurent Gerra, dans une salle vide. Et tous les trois m’ont dit « tu risques quoi ? Vas-y, fais-toi plaisir ».

Comment ça se passe ?

Les salles sont pleines et je vis un moment très surprenant. Je n’aurais jamais imaginé une émotion pareille et l’accueil est formidable. Ce n’est ni un one-man-show comique, ni un spectacle composé de sketches. Juste une conversation émaillée de quelques vannes. Je fais des imitations, mais elles sont très mauvaises: Laurent Gerra m’a donné des cours, mais en fait, j’imite les imitateurs !

Vous venez de signer pour deux nouvelles années de « Vivement dimanche prochain »…

Je me sens béni des dieux d’être encore là, d’avoir re-signé avec France Télévisions ; ça n’était pas prévu. Je ne suis plus un perdreau de l’année, mais au contraire plutôt dans la dernière ligne droite. Dans tous les pays du monde, on me regarde comme un ovni. En Angleterre ou Italie, 25 ans de carrière, c’est déjà un exploit. Je sais bien que mon cas est assez atypique.

Quel est le secret de votre longévité ?

Je la dois au public. C’est grâce aux gens que je suis encore là. Alors il fallait que j’aille à leur rencontre. Vous savez, je ne suis pas Parisien, je suis un vrai provincial. On ne peut pas vivre uniquement entouré de gens célèbres. Moi en tout cas, je ne le pourrais pas, car je crois sincèrement que la célébrité crée un forme de pathologie. Dans le spectacle, il y a une séquence où je joue au médecin : « Docteur Michel Drucker, starologue, spécialiste de la mégalomanie et de l’autocentrisme  » est-il écrit en entête de mes ordonnances.

Quelle est cette maladie ?

Une phobie: la peur d’être abandonné par le succès et la popularité. Passer « de la lumière à l’oubli », c’est tomber brusquement d’un train à grande vitesse pour continuer le trajet dans une vieille Micheline. C’est la hantise de tous. Moi compris. « Comment durer, traverser le temps sans devenir un has been ? », telle est la question.

« Mes modèles sont Charles Aznavour et Johnny. Je les connais depuis mes débuts. Le premier était déjà une figure importante et le second démarrait en même temps que moi.

En septembre prochain, vous aurez 72 ans…

Mais bon sang, je n’ai rien vu passer. Le jour où on m’a dit qu’on fêtait les 50 ans de l’ORTF et que j’y étais dès le premier jour, j’ai eu peine à le croire. Idem quand on m’a dit que j’avais été élu comme celui auquel veulent ressembler les votants du… salon des séniors ! Lesquels plébiscitaient en même temps des gamines nommées Line Renaud et Annie Cordy !

Moi, sénior ? Ma femme m’a dit « mais ça fait des années que je présente ta carte Sénior au contrôleur, dans le train ». Je n’ai rien vu passer

Il y a quelques temps, le président de France Télévisions Rémy Pflimlin voulait me consacrer « figure emblématique », et avec une grande soirée hommage. Genre Cesar d’honneur, vous voyez ? Le type de trophées qu’on remet à ceux qui sont déjà presque morts, la statuette que l’on doit porter à leur place parce qu’il est plus lourd qu’eux… On parlait de moi comme d’une institution, ce qui m’a démoralisé. J’ai pensé : « Mmm… ça sent le sapin ».

Qu’envisagez-vous après cette tournée ?

Recommencer dès janvier 2017. Et écrire le spectacle suivant. Cette aventure va changer ma vie. Quand j’aurai arrêté la télé, je continuerai à faire de la scène parce que je vois prendre vie les livres que les gens me font signer. Et puis j’ai beaucoup de plaisir à être sur scène. Tenez, une anecdote: Charles Aznavour, 91 ans et demi, est récemment venu voir le spectacle. J’étais tétanisé. Après la représentation, il m’a traité de « sacré cachotier » : à me voir passer les plats à la télé depuis si longtemps, il ignorait que j’avais tant envie de ce frisson de la scène.

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