« Cela fait presque 50 ans qu’il est « dans l’poste », à tel point qu’on lui dit parfois qu’il semble avoir été « vendu avec ». Michel Drucker raconte avec Gilles Verlant l’histoire des « 500 émissions mythiques de la télévision française » (Éditions Flammarion/INA Éditions/29,90 €).

Avez-vous écorné votre image de gentil par vos remarques sur vos chers confrères ?

Non, j’ai surtout voulu faire un peu d’humour, pour éviter que ce soit trop tiède, c’est un exercice de dérision et d’autodérision. Mais c’est vrai que quand on fait de l’humour, c’est souvent mieux reçu à l’oral qu’à l’écrit. Quand je me moque de la téléréalité, je n’avance pas masqué, je n’aime pas du tout ce type d’émissions et je plains ceux qui les présentent. La télévision qui touche à l’intime, ce n’est pas mon truc non plus, j’ai pensé qu’à 70 ans et après 50 ans de télévision, c’était bien que je donne un peu mon avis, de façon humoristique. Avec ce livre, la mémoire m’est revenue, j’ai du mal à intégrer que j’ai vécu tout ça et que je suis encore à peu près en bon état de marche. Je me dis que ça fait 50 ans que je ne vis, que je ne respire que télévision, c’est vraiment le sang qui coule dans mes veines.

En 50 ans, la télé française a changé et pas toujours en bien…

C’est vrai que dans les 50 ans que nous survolons, il y a dix ans de téléréalité dont je me serais bien passé, mais c’est contrebalancé par « Voyage en terre inconnue », « Un jour, un destin », « Zone Interdite », « Capital », « Envoyé Spécial »… Ça reste quand même une des meilleures télévisions du monde. Contrairement à ce qu’on pense, la télévision n’a pas baissé en qualité, elle s’est enrichie, la télévision publique française reste une des rares où il y a de l’information et du documentaire en prime-time.

Vous écrivez que vous êtes sorti « essoré » de vos quatre années à TF1…

Oui, fatigué, par le stress de l’audience. C’était une époque où TF1 faisait 40 % de part de marché, il y avait quatre émissions de variétés par semaine. J’admire ceux, comme Foucault ou Pernault, qui sont là depuis le début de l’aventure, c’est une performance. On ne peut pas avoir d’états d’âme parce qu’il faut s’adresser au téléspectateur en terme de consommateur. Dans la télévision commerciale, la plus belle réussite c’est M6, et je ne dis pas ça parce qu’elle a été créée par mon frère Jean avec Nicolas de Tavernost, c’est une chaîne qui a innové et qui trouve toujours des concepts.

Très attaché au service public, vous partagez l’avis du président de France télévisions, Rémy Pflimlin, pour qui l’audience n’est pas une obsession ?

Disons que l’audience compte, certes, mais beaucoup moins. « Studio Gabriel » a duré 5 ans, on a ramé pendant six mois, dans le privé on aurait sauté au bout de trois mois. Quand j’ai accepté cette folie de succéder le dimanche à Jacques Martin, il y a treize ans, on a ramé un an, dans le privé on n’aurait pas attendu. « Plus belle la vie » a été un échec d’audience la première année, et c’est le plus gros succès d’un feuilleton français. Lorsqu’on est sûr de son coup, c’est une question de patience.

Comment expliquez-vous la longévité de vos émissions du dimanche ?

Toutes mes émissions ont duré au moins cinq ans : 13 ans de « Vivement dimanche », « Champs Elysées » 8 ans, « Studio Gabriel » 5 ans… J’aime bien gamberger mes concepts, prendre mon temps et créer une habitude. Il faut être lucide, je suis maintenant le plus jeune des vieux à la télévision, le public qui me regarde c’est trois générations. J’ai mis longtemps avant de trouver l’explication : quand la privatisation est arrivée, avec Martin et Foucault on était déjà dans le cœur des gens depuis 22 ans et ils nous sont restés fidèles. La deuxième explication, c’est que je suis l’homme des week-ends, sur mes 50 ans de télévision j’en ai passé 45 soit le samedi soit le dimanche. Le dimanche après-midi, toute la famille est réunie, ce n’est pas par hasard si j’ai voulu, contrairement à toutes les émissions, ne pas avoir une table et des chroniqueurs mais un canapé, c’est le canapé du dimanche, où on prend un café !

Vous êtes fier de la carrière de votre nièce Marie ?

A 11 ans, en 1953, devant le seul marchand de poste de télévision à Vire en Normandie, où mon père était médecin de campagne, je rentre de l’école et je regarde le couronnement de la Reine d’Angleterre. 60 ans plus tard, c’est ma nièce Marie qui a fêté son jubilé ! Le seul regret que j’ai dans ma carrière, c’est de ne pas avoir présenté le 20 h, je me console en voyant Marie, qui est probablement une des femmes les plus douées de ce métier. Elle est extrêmement simple dans la vie, et c’est très émouvant pour moi, comme je suis fier aussi de ma nièce Léa, qui est comédienne, c’est une sacrée saga que la nôtre.

Pensez-vous au jour où vous quitterez la télé ou la radio ?

Je ne serai plus à l’antenne le jour où je sentirai qu’intellectuellement je flanche, mais quand je vois Bouvard, avec qui je viens de faire les « Grosses Têtes », Jean d’Ormesson, Galabru, Line Renaud, Annie Cordy, Hugues Aufray, Philippe Tesson… Je me dis que je suis encore un gamin ! Je pense que je vais être encore là longtemps, sauf pépin de santé, mais tant que je serai en forme je continuerai. Je viens d’avoir 70 ans, j’ai 50 ans de télévision, il y a un côté jubilé, comme dirait Ardisson : ça sent l’sapin ! »

Propos recueillis

par Patrick TARDIT

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